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Il serait naturel que le gouvernement Barnier ait pour seule obsession de durer. Sans majorité au Parlement, confronté à une opposition de gauche furieuse d’avoir été privée d’un pouvoir qui aurait dû lui revenir, incertain de la fermeté du soutien d’un bloc central plus divisé que jamais, otage enfin d’un Rassemblement national qui ne s’est engagé qu’à lui accorder un sursis, il serait logique qu’il s’attache d’abord à survivre et, pour cela, tente de louvoyer entre les écueils politiques.
Et pourtant, il faudra, malgré tous les traquenards qui le menacent, qu’il se fixe un cap, ouvre des chantiers et prenne des initiatives. Un gouvernement qui ne viserait que la survie ne répondrait ni aux besoins du pays, ni aux attentes des citoyens, ni aux inquiétudes des marchés. Le premier ministre, Michel Barnier, en est manifestement conscient, puisque à l’occasion de la passation des pouvoirs, il a parlé de répondre aux colères et au sentiment d’abandon.
Il a aussi parlé de ruptures. Pour ne pas apparaître comme un simple exécutant, il devra en effet en finir avec certains volets de la politique économique poursuivie depuis sept ans. Il y a peu de chances qu’il envisage de revenir sur la réforme des retraites, ni même de suspendre sa mise en œuvre, en dépit du fort mécontentement que celle-ci continue à susciter. Et il n’est guère probable, aussi, qu’il l’amplifie, en dépit du besoin de financement (0,4 % du PIB en 2030) que font apparaître les récentes projections du Conseil d’orientation des retraites.
En revanche, il peut opter pour une remise en mouvement de la dynamique des salaires. Il y a aujourd’hui une forte aspiration populaire à une progression plus soutenue du pouvoir d’achat des salaires. En moyenne, celui-ci a été mieux protégé en France que dans beaucoup d’autres pays européens, mais le sentiment d’injustice se nourrit de ce que, compte tenu de l’hétérogénéité des paniers de consommation, de nombreux ménages ont subi des hausses de prix importantes et ont donc vu leur revenu réel stagner ou baisser. Le problème est qu’une nette reprise des gains de pouvoir d’achat requiert de porter remède au premier facteur de sa stagnation : le recul marqué de la productivité du travail observé depuis la crise pandémique de 2020. Comme le rappelait récemment l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le décrochage par rapport à la tendance pré-Covid-19 est de cinq points et demi, et le niveau actuel de la productivité est toujours nettement inférieur à celui de 2019. En l’absence de redressement, il n’y a pas de marges pour un accroissement substantiel des salaires.
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